mercredi 19 septembre 2012

Le monde religieux des jeunes enfants d'après Sofia Cavalletti


Sofia Cavelletti, après avoir reconnu le potentiel religieux des plus jeunes enfants, a poursuivi son travail d'observation pour identifier plus encore leurs caractéristiques et ainsi mieux répondre à leurs besoins vitaux.
Voici des extraits de son livre "Le Potentiel religieux de l'enfant" (merci à Marie du blog Terre d'Enfance dont j'ai pris ces extraits)

" Lorsque nous sommes avec des enfants âgés de  3 à 6 ans, nous sommes vraiment avec des personnes d'un monde différent du nôtre. Leur façon de vivre leur relation avec Dieu est fort différente de la nôtre. Arrêtons-nous instant et entrons quelques instants dans leur monde pour en capter quelques aspects. 
L'une des caractéristiques de la vie religieuse des tout jeunes enfants concernent la joie dont ils sont capables quand ils sont accompagnés pour se rapprocher de Dieu. Beaucoup de choses rendent les enfants joyeux, mais il existe différentes qualités de joie.Il existe une forme de joie qui laissent les enfants nerveux, tendus et fatigués.La joie qu'ils ressentent quand ils se rapprochent de Dieu les rend paisibles et relaxés comme si quelque chose de très profond avait frappé leur cœur et qu'il continuait de l'écouter au plus profond d'eux-mêmes.

Il y a toujours une réponse avec ce type de joie lorsque les enfants entendent la parabole du Bon Berger. Ils donnent l'impression d'être très à l'aise avec le Bon Berger. La spontanéité de leurs expressions religieuses provient du plus profond de leur cœur comme si elles leur étaient tout à fait naturelles.
L'expérience religieuse est si profonde et la sérénité qu'elle procure si grande qu'elle répond significativement aux besoins vitaux de l'enfant. Quand nous aidons un enfant à rencontrer Dieu, nous répondons à une requête tacite de leur part:" Aide-moi à me rapprocher de Dieu. Aide-moi à être pleinement qui je suis".

LA FAIM DE L'ENFANT
Pourquoi commencer l'éducation religieuse si tôt? " Ma réponse à ces questions est basée que l'enfant est déjà une personne et pas seulement le futur adolescent ou adulte. L'enfant est une personne avec des capacités et des besoins qui demandent à être nourris dès maintenant. Les premières années de la vie sont la période la plus créative. Bon nombre de psychologues disent que 80% de nos capacités sont formés à l'âge de 3 ans. D'un point de vue spirituel, cette période créative est tout aussi importante pour leur croissance.
Les jeunes enfants n'ont pas seulement des capacités religieuses, mais aussi une véritable faim religieuse. Cette faim n'est pas toujours facile à satisfaire, car les petits enfants vivent leur relation à Dieu d'une façon très différente de la nôtre. Mais ce fait est aussi la source de dons merveilleux qui nous sont offerts quand nous essayons de nourrir leur faim de Dieu. Après tout, Dieu n'est pas seulement le Dieu des adultes, et si Jésus nous demande d'être comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu, c'est certainement parce que les plus petits ont quelque chose à nous enseigner.

LE CHEMIN DE L'ENFANT
Voici quelques exemples concrets pour vous montrer ce que j'entends par "capacités religieuses de l'enfant avant de détailler les plus spécifiques.
Un jour, un groupe visitait notre centre catéchétique. Ils remarquèrent une petite fille de 5 ans qui était en train de mélanger de la farine avec de la levure puis sans levure pour voir la différence (cette activité est liée à la parabole du levain). Je lui demandais ensuite si elle voulait bien expliquer aux visiteurs ce qu'elle était en train de faire, car c'était plutôt inhabituel de voir une petite fille fabriquer du pain. Elle répondit à ma question: " Je suis en train de regarder comment grandit le Royaume de Dieu" comme si elle voyait réellement grandir le Royaume de Dieu sous ses yeux.
Une autre fois je présentais le sacrement du baptême à un groupe d'enfants de 4 à 6 ans. Je voulais les aider à comprendre la signification du geste de l'imposition des mains et le geste de l'invocation au Saint-Esprit. Je pensais que cela leur serait trop difficile mais je souhaitais essayer. J'enlevais donc un anneau que j'avais au doigt, le mettais dans ma main, puis je l'étendais et je laissais finalement l'anneau tomber de ma main dans la main d'un enfant. Après je répétais ce geste une fois encore en disant: "Quand je veux vous faire un cadeau, je dois ouvrir la main, sinon le cadeau ne passe pas de moi à vous. Puis je répétais le geste une fois encore sans l'anneau en disant: " quand le prêtre fait ce geste pendant le baptême, nous ne voyons rien tomber de sa main, savez-vous pourquoi? La plupart répondirent comme s'il s'agissait d'une question évidente: "Parce qu'il nous donne le Saint-Esprit". C'était si clair et si simple pour eux.

LA CAPACITÉ DE VIVRE LA JOIE
Les jeunes enfants ont une capacité naturelle à se réjouir d'une manière très profonde de la relation qu'ils ont avec Dieu. Ils sont capables de se réjouir de la présence de Dieu; ils sont capables de se donner totalement à l'Amour de Dieu. C'est seulement avant l'âge de 6 ans que les enfants sont capables de vivre complètement cette joie. Il est important de le réaliser. Si nous pouvons nous réjouir de la présence de Dieu dans nos vies, alors notre foi est établie sur de solides fondations. Peut-être que c'est seulement lorsque nous nous réjouissons de l'amour de Dieu, que nous nous réjouissons de sa présence dans nos vies, que nous avons une foi vitale, comme Abraham, quelque chose de profondément enraciné dans nos vies. Si nous ne sommes pas capables de nous réjouir de la présence de Dieu, alors la vie religieuse devient un effort; s'il n'y a que cela, cela veut dire qu'il manque quelque chose dans notre vie spirituelle.
La naissance de la personne vient avec la joie que procure l'Amour de Dieu. Si les enfants sont accompagnés pour se réjouir de Dieu, ils ont vraiment une fondation solide pour leur vie religieuse.
  
LA CAPACITÉ DE PRIÈRE

Les enfants ont une énorme capacité de prière sur laquelle nous reviendrons par la suite. Il suffit de souligner ici sa beauté. C'est principalement une prière de louange et d'action de grâce. En les accompagnant dans cette direction, nous pouvons leur permettre d'exprimer par cette forme de prière leur intense vie intérieure.

LA CAPACITÉ D'AMOUR 
Avant l'âge de 6 ans, l'enfant est immergé dans la vie, ce qui inclue la relation avec Dieu. Après 6 ans ce n'est plus la même chose, ils ne sentent plus aussi libre qu'auparavant.
Nous savons combien la psychologie moderne souligne l'importance de l'amour dans tous les aspects de la vie humaine. L'amour est d'une manière semblable le fondement de la vie religieuse. Les jeunes enfants tombent vraiment amoureux de Dieu. Cela vient de la profondeur de leur âme. Bien sur, cela peut arriver à chacun d'entre nous à tout moment de notre vie. Mais avant l'âge de 6 ans, l'enfant tombe amoureux d'une façon quasi naturelle. Si nous commençons la catéchèse avant l'âge de 6 ans, nous permettons à l'enfant de développer une vie spirituelle établie sur la relation d'amour qu'il a avec Dieu.

UNE RADICALE SIMPLICITÉ 
Les jeunes enfants, vont à la racine des choses, notamment pour répondre à leurs besoins spirituels. Ils ne se satisfont que de l'essentiel, de ce qui fait le cœur des choses. Ils sont libres du superflue que nous accumulons souvent dans nos vies.
Les enfants peuvent nous aider à nous libérer de toutes ces complications intérieures pour rejoindre le niveau de simplicité qu'ils attendent de nous. Sur ce point, les enfants sont nos guides. Quand nous sommes fidèles à l'essentiel et que nous échappons aux choses de seconde importance, les enfants nous suivent avec joie et enthousiasme.
Les enfants nous aident à devenir simples et essentiels. Vivre l'expérience religieuse avec de jeunes enfants peut nous être d'un grand profit.

LE BESOIN DE RELATION
 Le besoin le plus profond de l'enfant est la relation. Nous savons que nous grandissons et nous sommes formés à travers les relations. Mais nous savons aussi qu'il existe différents degrés par lesquels les relations contribuent à notre développement personnel et à une intégration harmonieuse. Je pense qu'il est possible de dire que Dieu est le Partenaire nécessaire qui répond le plus pleinement au besoin de développement de l'enfant. La constante manifestation de joie que les enfants montrent dans leur relation à Dieu m'incline à penser que l'image de Dieu, qui se trouve en chacun d'entre nous comme nous le rapporte la Genèse, est reflétée avec une transparence spécifique chez eux.
Il y a un rapport spécial entre les petits enfants et Dieu. Pourquoi leur relation avec Dieu est-elle si spontanée et si joyeuse? Parce que dans leur relation avec Dieu, les enfants trouvent ce qu'il y a de plus précieux pour eux: la capacité d'amour.
La relation avec Dieu est principalement une expérience d'amour, d'amour sans limite. Dans cette relation, il y a une rencontre entre Dieu qui est Amour et l'enfant qui est si riche d'amour. Différents dans leur capacité mais semblables quant à la qualité, ils se rencontrent réellement l'un et l'autre. Dans cette relation, l'enfant trouve un partenaire sans limite qui répond à ses besoins les plus profonds. L'enfant se trouve alors en harmonie avec le cosmos.

UNE NOURRITURE POUR LA FAIM DE L'ENFANT
Voilà quelques uns des thèmes bibliques qui donnent à l'enfant la nourriture dont il a besoin. Il est important de préciser que nous avons choisi ces thèmes car ils répondent d'une façon particulière aux besoins de l'enfant. En les observant, les enfants nous ont mené au cœur du message chrétien, les thèmes fondamentaux qui expriment la véritable essence du Réel. 
Ce que nous offrons aux jeunes enfants peut être synthétisé en deux points:
                  Il y a Quelqu'un qui nous connaît et "qui nous appelle par notre nom" (Le Bon Berger)
                Il nous donne la vie et nous illumine (Lumière du Christ)
 Nous nous centrons alors sur le mystère de la Vie et de son origine:
                Les paraboles du Royaume de Dieu
                Les paraboles de la graine de moutarde et de la perle qui nous aide à méditer sur ce pouvoir qui est en nous mais qui ne vient pas de nous, et sur la force de la Vie dans laquelle nous sommes immergés, qui grandit du moins vers le plus.
Ce sont les points pivots autour desquels tournent toute la proclamation du message chrétien que nous annonçons aux enfants. Cela satisfait leur faim; ils les reçoivent avec joie et sérénité tout en nourrissant leur méditation. L'expérience montre que la proclamation du message chrétien nous donne les moyens d'introduire les petits enfants aux plus profonds niveaux de la Réalité". 

vendredi 7 septembre 2012

Le catéchiste, ce serviteur inutile



“Celui qui se fera aussi petit que cet enfant sera le plus grand au Royaume des Cieux” Matthieu 18,4

En tant que catéchiste, il nous faut bien nous convaincre que “la religion de l’enfant est spécifique; et qu’elle ne peut être jugée à l’aune de la religion de l’adulte” *. Nous adultes, avons perdu le rapport aisé et paisible avec Dieu qui est propre au jeune enfant. Un adulte sait que sa vie de Foi est parfois faite d’effort et de combat mais pour l’enfant, la réalité transcendantale de Dieu est une évidence.  Sofia Cavaletti a pu même constater que plus les enfants sont jeunes, plus ils sont aptes à percevoir de grandes choses. Elle répète souvent que “seul ce qui est grand et essentiel les satisfait”.  Elle ajoute “tant que nous parvenons à garder le cap sur l’essentiel, les enfants écoutent, enchantés et heureux, jamais fatigués; dès que nous descendons d’un cran, leur attention nous abandonne”. D’ailleurs Maria Montessori donnait à ses institurices comme consignes les mots de Dante: Le parole tue sian conte (que tes mots soient peu nombreux) mais de poids, notamment avec les plus petits.

Même si l’adulte doit transmettre à l’enfant le “kérygme”, et finalement l’évangéliser puisque l’enfant en est à son premier contact avec la Parole de Dieu, il doit aussi être conscient que dans le processus, il est à la fois celui qui annonce et celui qui écoute l’annonce.
Cette écoute de l’annonce vient bien sûr de l’étude et de sa prière mais aussi de sa capacité à se mettre à l’écoute de la communauté des enfants, qui ont tant à nous transmettre: cette admiration émerveillée qui les caractérise et nous permet de réveiller certains ressorts essentiels de la Foi, notamment que Dieu est d’abord une joie!

Il faut que l’adulte soit d’abord bien convaincu qu’en tant que catéchiste il annonce une Parole qui n’est pas la sienne et qu’il aide chez l’enfant des potentialités qui ne lui appartiennent en aucun cas. Un lien mystérieux unit Dieu à l’enfant, il existe, bien en amont de tout travail humain sur la Foi. Aucun homme ne doit interférer avec ce lien si particulier et unique.. 
Le catéchiste crée les conditions nécessaires à l’établissement de ce rapport mais doit s’écarter dès que le contact est établi! Ne nous interposons pas entre Dieu et l’enfant avec notre encombrante personne, avec notre parole insistante!! 
C’est pourquoi dans un atrium du Bon Berger toute présentation est faite de peu de mots, dans le silence et la contemplation, et est suivie d’activités individuelles dans lesquelles l’adulte intervient peu.



Le catéchiste gardera en tête cette maxime inspirée de Maria Montessori : « Aide moi à faire tout seul » qui devient   « Aide-moi à m’approcher de Dieu par moi-même »



* A lire pour en savoir plus: Sofia Cavaletti, le potentiel religieux de l'enfant


lundi 3 septembre 2012

Un atrium du Bon Berger c'est quoi??



L’atrium était autrefois la pièce principale de la maison romaine. Il est devenu ensuite l’enceinte extérieure de la basilique chrétienne réservée aux catéchumènes (personnes non encore baptisées ne pouvant ainsi participer aux Saints Mystères).

Un atrium est un lieu vie où enfants et catéchistes partagent une d'expérience spirituelle. Le fonctionnement de l'atrium est inspiré de la méthode développée par Maria Montessori.

On oublie trop souvent que Maria Montessori est une catholique qui a beaucoup réfléchi à la question du développement spirituel de l'enfant. Son anthropologie a clairement une finalité spirituelle. Ses travaux et ses nombreuses observations pédagogiques lui ont permis de mettre à la disposition des plus petits les trésors de la liturgie et de la Bible. A l'heure actuelle, des thèses s'écrivent à travers le monde pour mettre en lumière l'apport  de Maria Montessori en matière de pédagogie religieuse. Car, son œuvre pédagogique est aussi une mine de découvertes pouvant servir au développement spirituel des enfants. L'une de ses observations fondamentales peut se résumer ainsi: les enfants ont manifestement une capacité profonde à respecter et à aimer la vie; ils ont par ailleurs la faculté de reconnaître son Auteur en s'évitant les cheminements souvent laborieux du pèlerin adulte...
"La religion elle-même n'est pas quelque chose qui  doit être donnée à l'enfant; ce n'est pas quelque chose qui doit être enseignée. Les hommes sont religieux depuis le commencement de l'histoire, toutes les cultures primitives avaient une langue et une religion. Nous savons que que le sentiment de l'existence de Dieu existe dans le cœur de l'enfant. Ce n'est pas conscient, mais c'est bien là et cela ne peut être perdu bien que cette réalité puisse être obscurcie. C'est quelque chose qui demande à grandir doucement. Le plus important est de ne pas interférer. La plante ne pourra en effet fleurir si une main impatiente vient en détruire les bourgeons. Nous devons regarder attentivement cette plante, lui donner les conditions optimales de croissance, la protéger du froid et des mauvais temps, mais nous devons surtout avoir la patience de la voir croître en son temps et selon son propre chemin".




Mais c'est Sofia Cavaletti (1917-2011), érudite italienne qui a développé la catéchèse du Bon Berger dans ses aspects les plus concrets dès 1954 en collaboration avec Gianna Gobbi, éducatrice Montessori. Sofia, elle aussi constata que les enfants, notamment les très jeunes enfants, quel que soit leur milieu culturel ont au départ une connaissance mystérieuse de Dieu que les catéchistes doivent laisser se développer grâce à un environnement adapté et un respect absolu de leur intimité spirituelle.

Elle a nommé sa catéchèse le "Bon Berger" car, après de multiples essais avec

les enfants, elle a pu constater que la parabole du Bon Berger rencontrait un écho particulier auprès des enfants et qu'elle permettait des développements très forts notamment pour l'introduction au mystère que l'Eucharistie.

Un atrium va s'ouvrir prochainement dans notre aumônerie de la Communauté Catholique Bilingue, nous vous proposons donc d'en suivre les balbutiements. Prières et commentaires sont les bienvenus!!